Pluie et soleil pour la quinzième édition de Torhout-Werchter | |||||||||||||||
Iggy, Boonie et Dave. On ne re- tiendra finalement qu'eux d'une cu- vée 91 où la seule surprise est venue du ciel. Dès le petit matin, à l'heure où les plus prévoyants, arrivés déjà la veille dans la bourgade de Tor- hout, commençaient à s'aggluti- ner au pied de l'imposant podium de toile bleue, on sentait qu'on allait renouer avec la grande tradi- tion des meilleurs Torhout-Werch- ter : la canicule. Coel dégagé, léger vent frais venu de la mer, la foule une fois de plus au rendez-vous avec ses intermi- nables chapelets de petits cha- peaux rouges distribués à l'entrée du site : tout était réuni pour faire de ce T/W un tout grand cru, même l'affiche était plutôt promet- teuse. Mais tout ne s'est pas pas- sé comme prévu, loin s'en faut. Le groupe hollandais The Scene, qui ouvrait le festival sur le coup de 10 h 15, n'a d'abord pas réus- si à nous faire oublier la prestation historique de Mano Negra l'an der- nier. Leur rock nous a semblé bien conventionnel. Sans compter que le public non néerlandophone avait le droit de ne pas se sentir concerné par des textes repris en flamands qui, comme le faisait remarquer Herman Schueremans dans une interview très contover- sée au magazine français " Best ", représente 90% du pu- blic. De nombreux groupes de rock flamands chantant en anglais au- raient d'ailleurs mérité pareil ac- cessit. Et ce n'est pas le Gantois Dirk Blanchart, présent " backsta- ge ", qui nous contredira. Cette entrée en matière fut vite oubliée par la prestation très at- tendue de Dave Stewart et ses Spiritual Cowboys. Annonçant im- médiatement la couleur par un juteux " Sympathy For the Devil " des Stones, le scintillant rockeur barbichu a enlevé le morceau sans coup férir par une présence exceptionnelle et une expérience du terrain glanée avec Euryth- mics. Des mélodies en béton, un jeu de guitare Takamine à vous donner des frissons et le sourire en prime de la craquante guitaris- te Nan Vernon : le plaisir est à son comble avant même la reprise de " You Can't Always Get What You Want " des Stones toujours. Les Hollandais ont pour leur part ap- |
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s'assurer que Shaun et Bez étaient bien entamés comme pré- vus. Le premier a réussi l'exploit de tenir debout jusqu'à la fin du set alors que le second a failli se faire péter les yeux à force de les écarquiller. Derrière, le groupe a fait ce qu'il a pu pour sauver les meubles mais passés les deux, trois singles, l'ensemble s'est ef- fondré, laissant ce sentiment pi- toyable d'un groupe qui n'a tou- jours pas résolu ses problèmes de santé mentale les forçant d'ail- leurs à annuler le reste de leur tournée. Toutes ces pertes de temps n'ont rien fait pour réveiller le gros du public englouti sous les nappes de chaleur, la peau de plus en plus rouge, les yeux aveuglés, la gor- ge sollicitant des quantités de biè- re de plus en plus meurtrières. La fraîcheur et la bonne musique viendront de Bonnie Raitt, radieu- se et souriante. Sa musique blues, rock et country est faite pour une telle surface et sa voix superbe nous procure un vrai déli- ce dont la journée avait jusqu'ici été fort avare. La rousse améri- caine a la classe des grands, son jeu de guitare renvois nombre de ses condisciples à leur solfège et son répertoire patiné par les ans a de quoi faire rougir nombreux pe- tits rockeurs sans envergure. Da- ve Stewart, en témoin en bord de scène, a également apprécié le set à sa juste valeur. Au vu des t-shirt arborés, les Pixies avaient attiré un fameux paquet de fans. Les Bostoniens secoueront enfin tout ce petit monde avec leur mur du son fa- çonnant d'irrésistibles mélodies qu'on se prend un plaisir à enton- ner. Sans surprise, leur set fut un excellent " best of " annonciateur d'un nouvel album irréductible à paraître en septembre. LA FIN DES TEMPS SELON IGGY POP On s'attendait également à un tra- vail en roue libre de la part d'un Iggy Pop qui, à deux reprises déja cette année, nous avait fait étala- ge de son show traditionnel qui n'est pas sans éviter l'auto-paro- die. Tout a commencé comme prévu, sinon que le manque d'inti- mité du lieu et la présence de Bonnie Raitt dans les coulisses, vite rejointe par Dave Stewart, l'ont forçé a garder son pantalon et puis, soudain, s'est passé quel- que chose d'inexplicable, d'inédit, de surréaliste. Sont-ce les premiè- re gouttes de pluie qui ont soula- gé une masse en mal de défoule- ment ou l'énergie communicatrice d'un Iggy hystérique amorçant " No Fun " ? Toujours est-il que quelques bouteilles de plastique vides ont commencé à voltiger |
dans les airs, vite rejointes par des dizaines, des centaines puis des milliers de bouteilles noircis- sant le ciel. Un véritable feu d'arti- fices improvisé. Iggy, qui en a déjà vu pas mal, n'en croit pas ses yeux, se marre comme un fou et accélère le rythme. Les éléments se déchaînent, la pluie se calme mais le ballet de bouteille s'intensifie. D'abord lan- çées verticalement, celles-ci rapi- dement prennent la direction de la scène pour célébrer un Iggy qui s'amuse à les éviter. Des monta- gnes de plastiques s'amoncellent sur scène et au pied du podium où secouristes et journalistes ne peu- vent que faire le dos rond pour amortir les vidanges non consi- gnées. Les Pixies également pré- sents s'amusent beaucoup, mê- me que Kim Deal a été aperçue jetant à son tour d'innoffensifs pro- jectiles. Iggy est au comble de l'exitation, il ne peut plus s'arrêter, dépasse d'un quart d'heure le temps qui lui était imparti, shoote dans le tas lui couvrant les pieds dans un style qu'a pu apprécier Frankie Van Der Elst C'est à ce moment-mà qu'on se rend compte qu'il ne s'était enco- re rien passé à ce festival. De bons concerts mais rien de mira- culeux ni de magique. Où est le temps où un Jim Kerr et un Bono se retrouvaient sur scène pour sabler le champagne ? Où une No- na Hendryx ou un Peter Gebriel se jetaient dans la foule ?... Mais l'in- cendie allumé par ce bon vieux Iggy sera vite éteint par Simon le pompier. Les cadavres se ramassent à la pelle pour dégager les lieux avant l'arrivée d'un Paul Simon qui aura vite fait de calmer tout ce petit monde. Il n'a jamais eu de présen- ce sur scène mais là, son groupe semblait s'ennuyer comme pas deux et la conversion de ses tu- bes à la sauce afro-brésilienne ne nous a guère convaincu. Juste bon pour une petite gigue... Sting, lui, n'a guère de chance au festival. C'est une nouvelle fois la pluie qui l'a acceuilli à Torhout en s'intensifiant au fil du concert. Le coeur n'y était guère et il nous a paru moins à son affaire qu'à Lon- dres il y a quelques mois. Même Vinx, fâché, se contente de quel- ques secondes de figuration. La fête est définitivement gàchée. Ce n'est pas encore cette fois-ci que T/W se sera fait entièrement au sec, même si cela avait bien com- mencer. " No Fun " crachait Iggy qui, décidément, aura fait la pluie et le beau temps sur cette quinziè- me édition en demi-teinte... THIERRY COLJON |
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